COVID-19 : Repenser notre monde 3.0

29 mai 2020 - Éditorial

Et si nous profitions de cette pause sociale et économique forcée pour faire le point sur l'impact de la révolution numérique sur notre mode de vie.

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Comme la révolution agricole et la révolution industrielle ont bouleversé le monde socio-économique, la révolution numérique transforme nos modes de vie.

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Photo : Wikicmedia MaXim

La pause sociale et économique que nous impose la crise sanitaire de la COVID-19 offre l’occasion de reprendre notre souffle, de faire le point sur notre monde qui s’emballe dans l’euphorie de la révolution numérique depuis 20 ans.


En effet, le temps semble filer de plus en plus vite depuis l’an 2000, le nouveau millénaire, malgré tous les outils informatiques et autres « applis » censés simplifier, voir améliorer notre quotidien.


En réalité, la révolution numérique bouleverse notre monde social et économique, de la même manière que la révolution industrielle et la révolution agricole avaient chamboulé les modes de vie.


En 2020, nos sociétés contemporaines ne se sont pas encore adaptées à ce monde 3.0. Par contre, l’être humain, vous et moi, encaissons déjà de plein fouet les tensions d’un nouveau monde en pleine évolution.


L’ORDINATEUR PERSONNEL


L’ordinateur personnel enclenche la révolution numérique dans les années 1980. Et l’accès du grand public à Internet en 1993, avec le World Wide Web (« La toile »), va décupler l’accélération technologique vertigineuse qui mène à l’émergence de notre monde 3.0.


En 1976, Steve Jobs et Steve Wozniak fondent Apple après avoir bricolé leur Apple I dans le garage de Steve Jobs.


Bill Gates et Paul Allen fondent Microsoft en 1975 après avoir créé un logiciel pour le premier « ordinateur personnel ». En 1985, ils sortent leur système d’exploitation MS-DOS, qui équipe les premiers ordinateurs personnels d’IBM lancés en 1981. Il y a à peine 40 ans.


Depuis, les changements socio-économiques ne cessent de déferler sur notre quotidien (voir encadré ci-contre.)


LA MACHINE À VAPEUR


Ce monde 3.0 de la révolution numérique vient se greffer sur le monde 2.0, né avec la révolution industrielle 200 ans plus tôt.


La machine à vapeur va engendrer les usines, l’exode rural et l’afflux vers les villes, la pollution de l’air et de l’eau et les premières mesures d’hygiène pour la santé urbaine ; avec les bateaux à vapeur, le commerce international ; une explosion de la population mondiale et des pandémies de choléra notamment.


Démographie, urbanisme, économie, sociologie, santé publique, linguistique, écologie, géopolitique: l’innovation technologique de la machine à vapeur a bel et bien chamboulé la vie il y a 200 ans.


AGRICULTURE : RÉVOLUTION SOCIO-ÉCONOMIQUE


Les êtres humains n’avaient pas connu d’aussi profonds bouleversements sur leur planète Terre depuis la révolution agricole, 12 000 ans plus tôt, qui donne le jour au monde 1.0.


La domestication des plantes et des animaux, l’irrigation, transforment fondamentalement la vie des humains (voir encadré ci-dessous).


Nos ancêtres deviennent sédentaires, découvrent la notion de propriété, la spécialisation des tâches et la hiérarchisation de la société.


La population mieux nourrie augmente légèrement. Les pratiques agricoles modifient les écosystèmes. Des crises écologiques s’ensuivent, qui entraînent l’écroulement de certaines civilisations agraires, comme en Mésopotamie.


TECHNOLOGIE ET SOCIÉTÉ


Chaque révolution technologique (sans oublier, bien avant, la maîtrise du feu) a ainsi entraîné de profondes mutations sociales, économiques, écologiques et géopolitiques.


La transition d’un mode de vie à l’autre ne s’est pas faite du jour au lendemain. De nombreuses tensions apparaissent pendant ces bouleversements qui se manifestent dans le quotidien des générations successives plongées dans ces changements.


Les hommes et les femmes, les familles doivent s’adapter au monde du travail qui évolue, avant que la société ne finisse par réagir et modernise les règles du jeu.


La plus récente innovation, le numérique (du 1 et 0 qui forment le langage des microprocesseurs) ne remonte qu’à 30 ou 40 ans et elle a déjà bouleversé la vie des humains dans l’ensemble, tout en amplifiant aussi certains déséquilibres.


REPENSER NOTRE MONDE 3.0


Ce ralentissement qu’imposent l’isolement et l’éloignement physique pour endiguer la crise sanitaire de la COVID-19 pourrait donc être l’occasion de reprendre notre souffle et reprendre du recul sur ces balbutiements de notre monde 3.0, né de la révolution numérique à la veille de l’an 2000.


Car la rapidité avec laquelle le virus SARS-CoV-2 s’est propagé vient aussi de l’augmentation de la mobilité planétaire, qui a décuplé en à peine 20 ans (depuis l’épidémie du SARS-CoV-1 en 2003), grâce, en partie, aux outils numériques.


Deux cents ans plus tôt, les épidémies de choléra à Paris ou à Londres en 1848 étaient somme toute une conséquence de la révolution industrielle. Les crises sanitaires ont amené (en partie) à repenser le monde 2.0 naissant d’alors.


MONDE 3.5 OU 4.0 ?


Et si cette pandémie de la COVID-19 était l’occasion de faire le point sur notre monde 3.0 émergent ? Alors que le monde 4.0, celui de l’intelligence artificielle, pointe déjà le bout de son nez. (D’ailleurs, le risque d’épidémie du SARS-CoV-2 avait été signalé dès le 31 décembre 2019 par un système intelligent de surveillance sanitaire…)


Profitons donc de cette pause de la crise sanitaire de la COVID-19 pour repenser notre monde 3.0, qui s’emballe depuis 20 ou 30 ans dans l’étourdissement de la révolution numérique.


Après tout, repenser, c’est « penser de nouveau à quelque chose, l’envisager sur d'autres bases » ou « reconsidérer ».

Monde 3.0


Dans le sillage de la révolution numérique


Le courrier électronique et la visioconférence font disparaître les distances et rendent l’information disponible instantanément.


Alors qu’une lettre prenait des semaines, voir des mois pour être acheminée par bateau, par exemple.


Communications. Les individus échangent à présent via messages textes ou les réseaux sociaux, à la vitesse de l'éclair d'un bout à l'autre du monde.


Chaque personne peut devenir un organe de presse à part entière et envoyer ses informations à la planète entière.


Chaque être  humain équipé d'un téléphone intelligent peut filmer un événement, voir le diffuser en direct.

   

Au quotidien. Le secteur de l’hôtellerie est secoué par les plateformes de location de particulier à particulier.


Le secteur du transport est transformé par les plateformes qui remplacent les taxis ou qui permettent la location à l’heure de voitures, de vélos, de trottinettes.


Délocalisations. Les entreprises peuvent délocaliser leur production à l’autre bout du monde et gérer leurs approvisionnements à flux tendus, au dernier moment. Ce qui crée du chômage local et de l’emploi ailleurs.


Adieu cols bleus et cols blancs. L’automatisation de la production industrielle par des robots détruits d’énormes gisements d’emplois de cols bleus.


L’ordinateur entraîne aussi la disparition de postes de cols blancs, en simplifiant la gestion administrative.


Adieu salariat. Parallèlement, le modèle du salariat est progressivement remplacé par un travailleur payé à la tâche (« gig economy »), ce qui entraîne une précarisation de l’emploi et « l’auto-entrepreneurisation » du travail.


Entre autres…

Monde 2.0


La révolution industrielle bouleverse les modes de vie


En 1776, l’Écossais James Watt perfectionne la machine à vapeur. Cette innovation technologique bouleverse la vie économique, sociale, écologique, géopolitique.


Les gens quittent les campagnes, où la mécanisation de l’agriculture crée du chômage. La population s’entasse dans les villes, où les nouvelles usines ont besoin de bras.


Les usines brûlent du charbon pour faire chauffer l’eau et produire la vapeur pour faire tourner les machines. La fumée qui sort des cheminées industrielles envahit les rues, comme du brouillard (courant dans les îles britanniques.)


Un nouveau mot est inventé, pour décrire cette réalité du cadre de vie post-industriel, la ville:« smog », né du mariage de « smoke » (fumée) avec « fog » (brouillard).


Pandémies de choléra. Parallèlement, la densité de la population urbaine et le manque d’hygiène entraînent des épidémies comme le choléra à Paris ou à Londres, car les gens vivent en ville comme à la campagne. Ils rejettent leurs eaux usées n’importe où. La Seine ou la Tamise deviennent des égouts à ciel ouvert où l’on puise aussi l’eau, de moins en moins potable.


Le virus du choléra se répand sur la planète grâce aux échanges commerciaux accrus. Il trouve dans ces villes un terrain fertile où proliférer.


La société va réagir. La santé urbaine et la santé publique voient le jour. La création de réseaux d’égouts et d’aqueducs, la collecte d’ordures sont les premières mesures de santé publique qui améliorent la qualité de vie dans ces nouveaux habitats humains post-industriels.


Les progrès de l’agriculture industrielle et l’abondance d’aliments entraînent une explosion démographique. La population est mieux nourrie, mieux protégée par les mesures préventives d’hygiène et mieux soignée grâce aux avancées de la science (grâce notamment à Louis Pasteur et aux vaccins à compter de 1882.)


Nouvelle vague de mondialisation. Côté socio-économique, la société évolue aussi. L’interdiction du travail des enfants, la réduction du temps de travail, entre autres, apparaissent pour encadrer les bouleversements dans le secteur privé que l’invention de James Watt a engendrés.


Le commerce international se développe aussi grâce aux bateaux à vapeur et du même coup la colonisation d’autres continents s'amplifie. La puissance des pays européens où est née la révolution industrielle leur permet de continuer d'exploiter des ressources naturelles ailleurs dans le monde.

Monde 1.0


La révolution agricole : révolution socio-économique d'une nouvelle société


Les chasseurs-cueilleurs nomades, qui suivaient leurs sources de nourriture, produisent à présent leurs aliments au même endroit. Ils se posent et deviennent sédentaires.


Les sociétés de chasseurs-cueilleurs étaient dans l’ensemble égalitaires et partageaient le produit de la chasse et de la cueillette, ainsi que les tâches familiales des membres du groupe.


Planter un grain de blé ou de riz sauvage va faire exploser la société préagraire.


Le lopin de terre devient la propriété de l’individu qui l’a défriché à la sueur de son front. Le produit de cette terre sera troqué, puis vendu.


L’apparition d’un surplus alimentaire entraîne l’émergence d’une élite qui garantira la survie du groupe en gérant ces excédents pour s’assurer qu’il en reste en cas de mauvaises récoltes. La société se hiérarchise et des dirigeants gèrent sans produire directement.


La population humaine va légèrement progresser au rythme des hauts et des bas des récoltes et des famines.


Mais l’irrigation peut finir par engorger les terres ou entraîner la salinisation avec l’évaporation, ce qui rend le terrain infertile. Ces conséquences écologiques entraînent la chute de civilisations en Mésopotamie, par exemple.

Monde 3.0