Les milliards d'économies de la prévention

23 avril 2020 - Éditorial

Santé publique et santé urbaine: COVID-19, SRAS, Walkerton, mieux vaut prévenir que guérir...

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Dans l'après COVID-19, enseignerons-nous les leçons de cette crise sanitaire pour ne plus jamais oublier qu'il vaut toujours mieux prévenir que guérir?

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Photos: Charles-Antoine Rouyer

Tout cela n’est pas nouveau, direz-vous. Et pourtant… Mieux vaut prévenir que guérir, comme disent les anciens. Ou selon la maxime encore plus réaliste en anglais : une once de prévention vaut une livre de curatif.


La crise sanitaire de l’épidémie de la COVID-19 (SARS-CoV-2) que nous traversons et les coûts exorbitants pour nos gouvernements et nos entreprises – sans parler des nombreuses vies humaines perdues - viennent tristement nous rappeler ce principe de base de la promotion de la santé et de la « nouvelle santé publique » : mieux vaut prévenir que guérir.


En termes plus techniques, cela correspond au dividende de la prévention : les économies que rapportent les investissements en santé publique en amont et qui permettent d'économiser les coûts des maladies ainsi évitées, en aval.


LES LEÇONS DU SRAS-CoV-1 en 2003...


En Ontario, voire au Canada, nous avons eu une piqûre de rappel en santé publique avec l’épidémie du SRAS dans la région torontoise en 2003.


Toronto avait à l'époque été placée en quarantaine internationale, humiliée aux yeux du monde entier et surtout pénalisée économiquement par la perte des revenus touristiques qui avaient fondu comme la neige au soleil en ce début de printemps d’avril 2003.


Et la leçon a en partie été tirée : réinvestir dans nos infrastructures de santé publique, avec notamment, la création au palier fédéral de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) en 2004.


Et pourtant...


L'épidémie de la CoVid-19 a déferlé sur le Canada 16 ans plus tard.


... LE RENOUVELLEMENT DE LA SANTÉ PUBLIQUE


Rappelons que la mise sur pied de l’ASPC était l’une des recommandations du rapport d’experts « Leçons de la crise du SRAS : Renouvellement de la santé publique au Canada », publié en octobre 2003 par Santé Canada. Le document visait à faire toute la lumière sur les causes du fiasco du SRAS et éviter l’œil au beurre noir sur la scène internationale doublé d'une gueule de bois économique après l’épidémie dans la région de Toronto.


Car à l’époque, au printemps 2003, l’Ontario pratiquait la médecine dite de couloir, entre autres… après la prétendue révolution du bon sens de Mike Harris depuis 1995 au palier provincial et la cure d’amaigrissement au fédéral du ministre des Finances Paul Martin dans le gouvernement du premier ministre Jean Chrétien (1993-2002.)


À Toronto, les services d’urgence étaient débordés même avant le SRAS, avec des patients laissés à attendre dans les couloirs. Cela fut l’une des causes d’ailleurs du premier foyer d’infection en milieu hospitalier du SRAS, le CoV-1.


LA TRAGÉDIE DE WALKERTON EN 2000


Avant cela, il y avait pourtant eu une alerte grave : la tragédie de Walkerton en Ontario en mai 2000, qui avait entraîné la mort de six Ontariens qui avaient simplement bu de l’eau du robinet, mais contaminée par la bactérie E. coli.


Le premier ministre Harris avait même dû s’excuser publiquement en 2002 pour la responsabilité de son gouvernement dans la tragédie, après la publication du rapport du juge Dennis O’Connor qui avait dirigé l’enquête publique pour faire toute la lumière sur ce drame. La privatisation du système des analyses de l’eau municipale était l’une des causes de la tragédie de Walkerton.


Autrement, des tentatives d'économies à court terme avaient provoqué par la suite, en aval, de graves dépenses et la perte de vies humaines.


Ne parlons même pas ici des compressions budgétaires du gouvernement de Doug Ford l'an dernier, en 2019, aux programmes municipaux de santé publique en Ontario.


Par contre, il faudrait rappeler au passage que lors de la crise du SRAS (CoV-1), ce sont les services de santé publique municipaux qui avaient su gérer la crise et éviter le pire, sous la direction du Dr Sheela Basrur, hygiéniste en chef de la ville de Toronto à l’époque.


MÉMOIRE COLLECTIVE TROP COURTE ?


Nulle volonté ici de pointer du doigt telle ou telle famille politique. L'objectif est de seulement souligner que le dividende de la prévention peut s’avérer très bénéfique et que c'est sans doute notre société tout entière qui a eu la mémoire courte.


Et pourtant…


Les chiffres sont là. Même encore aujourd'hui, dans d'autres domaines de risque pour la santé.


L’an dernier, en 2019, Santé publique Ontario a publié des chiffres éloquents sur le coût des risques de maladies chroniques. Le fardeau économique annuel est de 7 milliards $ pour le tabagisme ; 4,5 milliards $ pour la consommation d’alcool ; 2,6 milliards $ pour l’inactivité physique ; 5,6 milliards $ pour la mauvaise alimentation. Soit près de 20 milliards $.


C’est bien peu direz-vous comparé aux centaines de milliards d’aide financière du Fédéral déjà débloqués pour cette crise du COVID-19 (SARS-CoV-2). Certes. Mais cela fait beaucoup de milliers de millions tout de même.


Comment faire pour éviter ces pertes de mémoire collectives?


L'APRÈS COVID-19 : ENSEIGNER LES LEÇONS?


Alors, espérons que l’après COVID-19 marquera un retour en force de ce type d’analyse économique, politique et sociale (dividende de la prévention), pour éviter d'avoir la mémoire courte à l'avenir.


Espérons en effet que dans l’après COVID-19, cet état d’esprit, cette forme de pensée, dépassera le domaine de la promotion de la santé et de la santé publique, pour s’étendre à l’administration publique, à l’économie, à la politique et permettra aussi de réconcilier les deux solitudes du savoir : les sciences naturelles et les sciences sociales, puisque la santé publique (dont la santé urbaine) est profondément pluridisciplinaire.


À commencer par nos universités qui, espérons-le, enseigneront davantage les leçons de ces urgences et tragédies de santé publique, pour que les futures générations de dirigeants intègrent cette tournure d'esprit, pour toujours garder en tête la valeur de la prévention.


Alors oui, une once (30 grammes) de prévention vaut une livre (454 grammes) de curatif, soit 15 fois plus. Ou un retour sur l’investissement 15 fois la mise de départ. Autrement dit, un dividende de la prévention de… 1 500 %.