À la recherche d’une escapade dans la nature, mais balisée, sans GPS ni tente, mais plutôt dans le confort d’un appartement à l’hôtel, en bordure d’un petit village touristique créé de toutes pièces, mais agréable ? Alors le Village Blue Mountain, un mini Mont-Tremblant ontarien, est peut-être pour vous, à deux heures au nord de Toronto.
Au programme : explorer de petites grottes, embrasser la baie georgienne d’un point de vue imprenable, traverser un pont suspendu à 300 mètres au-dessus de la forêt, glisser dans les airs, suspendu à un câble par un harnais, dévaler à tombeau ouvert sur des montagnes russes en chariot individuel sous les arbres et décompresser, au ralenti, entre sauna et hammam, dans un spa au cadre rural intime.
Le village Blue Mountain est un centre de villégiature quatre saisons aménagé depuis l’an 2000 (phase un) avec le géant canadien des stations de ski, Intrawest (Whistler dans les Rocheuses et Mont-Tremblant dans les Laurentides.) IntraWest et Blue Mountain Resorts Limited exploitent à présent en partenariat les activités hivernales (ski) et estivales, deux hôtels (Blue Mountain Inn et Westin Trillium House) et une partie du centre des congrès.
La Blue Mountain Village Association quant à elle est un organisme à but non lucratif qui représente les propriétaires et les locataires du village et assure la promotion de la destination.
Le centre de villégiature de 800 logements est blotti au pied de l’escarpement Niagara, une réserve de la biosphère mondiale de l’UNESCO. L’arête rocheuse s’étire sur près de 800 km à travers le Sud ontarien, de Niagara à Tobermory. Elle atteint par endroits 335 mètres de hauteur.
À Blue Mountain, les pistes de ski au flanc de l’escarpement grimpent à 750 pieds (230 mètres) et aboutissent au village, un regroupement tricoté serré de 40 commerces et trois étages de logements au-dessus. Les édifices reprennent ici une architecture rurale de l’Ontario du début du XXe siècle et s’étirent le long d’un grand étang artificiel bordé de terrasses de restaurants.
BAINS NORDIQUES AU SPA SCANDINAVE
Mon séjour au printemps dernier a débuté par une visite au Spa Scandinave, histoire de décompresser d’entrée de jeu.
Ces bains nordiques rassemblent un sauna finlandais tapissé de cèdre à l’intérieur, un hammam (bain vapeur) et six petites piscines extérieures, à différentes températures, du glacial au chaud. Le principe est d’alterner chaleur et froid entrecoupé de périodes de repos.
Le passage rapide du chaud au froid, un « choc thermique », amène le corps à sécréter des endorphines, ces hormones du bien-être. La sudation permet d’éliminer les toxines et donne lieu à des périodes de silence propices au recueillement. Le repos entre chaque série de chaud et froid, dans l’un des trois solariums du spa ou en plein air au soleil, sur une chaise longue ou dans un hamac, sont l’occasion de s’abandonner pleinement à la détente physique et mentale.
Le cadre du Spa Scandinave de Blue Mountain évoque une ferme ontarienne traditionnelle. Une ancienne grange (le sauna) en bois sombre et patiné par les années donne le ton à l’espace peu étendu et donc fort intime.
En face, une structure arrondie en métal ondulé reluisant (un silo à céréales restauré, le hammam, entièrement carrelé à l’intérieur) tranche avec le bois ancien tout en restant dans le thème rural. Le cylindre métallique est coiffé d’un petit chapeau pointu en tuiles de bois, agrémenté d’une minuscule tourelle à son fait.
Le reste des édifices en bois sombre et aux toits en métal rouge complète cette carte postale rustique vivante, pour une ambiance définitivement apaisante. Les piscines aux lignes arrondies méandrent entre les édifices, à travers les installations de 2 300 m2, au cœur d’un site boisé de 10 ha (25 acres) bordé de jeunes arbres, bouleaux, pins, érables et autres pommiers.
Le Spa Scandinave de Blue Mountain, ouvert depuis 2006, est le second de la chaine canadienne qui compte quatre établissements (après Mont-Tremblant et avant le Vieux-Montréal et Whistler.)
Arrivé de Toronto en milieu d’après-midi, j’ai réussi à m’extraire de ce cocon douillet en début de soirée (une visite de trois à quatre heures est généralement recommandée), pour passer à la réception du Westin Trillium House à deux pas.
Depuis l’extérieur, l’hôtel ressemble à une grande auberge de montagne. L’établissement de trois étages aux multiples toits pointus s’étend le long de la berge de l’étang central où la corolle transparente d’un jet d’eau emplit l’espace de son crépitement reposant. Une promenade de pavés gris sinue en bordure de roseaux et permet de rejoindre le village.
Au réveil, dans la chaude lumière des rayons rasants du soleil matinal, les mansardes des toitures du village en face se détachent sur leurs ombres allongées. Les deux grandes portes rouges quadrillées de la petite caserne de pompiers du village (un restaurant) accrochent le regard. Sur la terrasse, des parasols rouges sommeillent encore, repliés sur eux-mêmes.
Non loin, un autre commerce aux murs jaune citron rivalise pour capter l’attention. La rambarde de la terrasse en double gros cordage très marin trempe ses pieds dans l’étang alors qu’à côté un grand ponton de bois encore désert égrène son chapelet de chaises Adirondacks multicolores, complétant ainsi l’impression de chalet à la campagne au bord d’un lac naturel endormi.
L’hôtel propose en plus des chambres classiques, de véritables appartements avec cuisine tout équipée (l’idéal pour un séjour au ski), avec lave-vaisselle, comptoir en granit, vaisselle. Le logement s’avèrera fort douillet et bien décoré, dans un style très condo urbain, aux tons ocres classiques en la matière, le tout agrémenté d’une fausse cheminée au gaz et d’un petit balcon donnant sur l’étang.
Après avoir piqué une tête dans la piscine en vitesse et me laisser sécher au soleil du matin déjà chaud, je découvre le vrai-faux village historique et entièrement piétonnier. Une poignée d’étroites rues pavées convergent vers une grande place qui s’ouvre sur la verdure des collines, striées par les pistes de ski, vertes évidemment en cette fin de printemps. Le clocher de la caserne de pompier ancre l’espace et complète l’atmosphère bucolique d’un petit village du nord de l’Ontario, à l’exception près des matériaux, façades et voieries, un peu trop flambant neuf (d’où la critique habituelle des villages Intrawest d’une Disney-ification touristique, en partie justifiée à vrai dire.)
Au pied du vrai faux clocher (silencieux) de l’imitation de la caserne, je retrouve à midi Kristin Ellis, coordonnatrice au marketing de la Blue Mountain Village Association pour manger sur la terrasse en plein soleil à présent de la Fire Hall Pizza Co.. Une salade verte au poulet fort respectable dégustée en vitesse, et cap vers les hauteurs, pour découvrir l’« EcoAdventure ».
L’entreprise Scenic Caves Nature Adventures propose à partir d’une ravissante maison en bois rond d’excellentes visites guidées de plusieurs grottes et petits canyons encaissés et vermoulus, d’une part et, d’autre part, un parcours de ponts suspendus entre les arbres et des descentes accroché par un harnais au câble de trois tyroliennes différentes. La toute dernière (juillet 2012) est double, dure plus de 750 mètres de long (2550 pieds), entre 7 à 15 mètres de hauteur, au-dessus de la cime des arbres, avec devant soi, l’immensité bleutée de la baie georgienne qui s’étend à l’infini, comme une mer intérieure.
L’accès à une étroite passerelle suspendue de 126 mètres de long, maintenue par quatre câbles tendus à plus de 300 mètres de haut (sensations garanties lorsqu’il y a foule sur le pont qui balance et ondule, ou lorsque le vent souffle…) est inclus dans le forfait éco-aventures (95 $ par personne) : l’occasion d’admirer la forêt en dessous et à nouveau le paysage environnant à perte de vue (10 000 kilomètres par temps clair assure l’entreprise Scenic Caves.)
La visite guidée débute par un échauffement incontournable, gravir de nombreuses marches suivies d’un sentier, pour aboutir au sommet de la promenade et profiter du point de vue sur la baie. Par la suite, le visiteur empruntera des escaliers métalliques pour descendre au fond de petits canyons et se glisser entre les parois fraîches de rochers pour pénétrer dans de petites grottes (où la neige peut persister jusqu’en été pour certaines.)
Le parcours fléché souligne le patrimoine amérindien de la région et du site, occupé par les Pétuns (« tabac ».) Les Pétuns, des cultivateurs de tabac baptisés ainsi par les premiers Européens, étaient voisins des Hurons et furent massacrés eux aussi par les Iroquois.
La visite est fort bien balisée avec de nombreux panneaux explicatifs, mais la présence de notre guide Michael extrêmement compétent a permis d’approfondir davantage l’histoire des Amérindiens et certaines légendes, sans oublier l’industrie maritime locale ni le patrimoine naturel, l’escarpement notamment.
La tête encore pleine d’images de la grande bleue à perte de vue, de rochers verdis de mousse à l’ombre de petites gorges, où s’accrochent désespérément des cèdres à flanc de parois à pic, nous redescendons vers le village où m’attends, sans que je le sache encore, le clou de ma journée et une montée drénaline. Un complément idéal le lendemain de ma journée pantoufles, cette fin d’après-midi à lézarder au spa et à se prélasser en soirée sur un canapé au coin du feu.
Le Ridge Runner Mountain Coaster est l’une des attractions (ouverte fin 2011) de la saison verte et offre une descente vertigineuse à couper le souffle. Il sera d’ailleurs préférable d’acheter un carnet de quatre billets, car il est irrésistible de repartir pour un tour, en lâchant toujours un peu plus les freins à chaque nouveau passage.
Imaginez des montagnes russes serpentant entre les arbres sous les frondaisons, mais en chariot individuel, avec deux freins à chaque main, permettant de ralentir à l’approche des courbes et autres figures en S. Les chariots sont évidemment totalement solidaires de la structure et la vitesse maximale est de 42 km/h, pour un parcours de 1 570 mètres au total.
Mais quelles que soient les assurances que les chariots ne peuvent pas dérailler, les freins seront souvent mis à contribution lors de la première descente, surtout à l’approche de virages très serrés et relevés. Chaque descente suivante rendra le néophyte un peu plus téméraire et les freins toujours un peu moins activés, pour des sensations fortes garanties.
La remontée offre par ailleurs un intermède permettant d’admirer paisiblement le sous-bois et le feuillage, alors que le chariot gravit lentement la pente raide tiré par la chaîne de ces montagnes russes individuelles.
Au menu des autres nouveautés estivales de la station en tant que telle, une tyrolienne triple (120 m de long, 15 m de haut et une inclinaison de 11 % et une vitesse de 50 km/h maximales) ; deux parcours d’escalade (avec ponts de cordages, plateformes dans les arbres, tyroliennes) ; des promenades en Segway au sommet des pistes ; un mur d’escalade ; les télésièges pour monter tranquillement en haut de l’escarpement ; des sentiers de vélo de montagne, avec deux nouveaux parcours en 2013 ; un centre aquatique pour enfants et l’accès à une plage privée à compter de juillet 2013, au bord de la baie georgienne à quelques kilomètres.
À ce titre, il ne faudrait pas oublier cette perle naturelle aux eaux limpides à l’extrémité du lac Huron qu’est la baie georgienne et ne pas manquer de s’extirper de l’orbite du centre de villégiature.
Sentier tarte aux pommes
Par ailleurs, un nouveau circuit touristique (The Apple Pie Trail, le sentier de la tarte aux pommes, évoquant le passé agricole de la région) permet d’explorer les alentours à bicyclette et découvrir divers petits cafés et galeries d’art, un antiquaire et autres marchés fermiers dans différents villages voisins ainsi que deux vignobles.
Et pour les amateurs de randonnées pédestres, le célèbre sentier Bruce parcourt l’échine de l’escarpement Niagara d’un bout à l’autre, sur près de 900 km de Niagara à Tobermory. Le plus vieux et le plus ancien sentier de marche au Canada compte un club de randonnée local qui propose quatre randonnées de moins de cinq kilomètres qui grimpent sur les hauteurs pour offrir d’autres points de vue imprenables.
Enfin, rappelons qu’à une heure de route de Collingwood se trouve l’un des sites importants du patrimoine franco-ontarien de la région, le village de jésuites reconstitué, Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons (Midland) et le Havre de la découverte (Pénétenguishene)
Pour ceux et celles moins friands des centres de villégiature, de nombreux chalets sont aussi disponibles à la semaine autour de Blue Mountain, car la région est très touristique. Et pour les campeurs dans l’âme, le petit parc provincial Craighleith permettra de planter sa tente. Le parc est malheureusement très proche de la route principale, mais offre des sites au bord de l’eau. Le parc provincial de Wasaga Beach et sa plage célèbre pour son immensité sont à une trentaine de kilomètres (mais utilisation de jour uniquement.)
Au final, la région de Collingwood et Blue Mountain Village offrent à la belle saison l’embarras du choix d’activités en plein air pour tous les goûts, pour aller se mettre au vert loin des trépidations de la vie urbaine, sans avoir à s’embarquer dans un voyage au long court, en laissant sa boussole accrochée la maison.
Charles-Antoine Rouyer était l’invité de la Blue Mountain Village Association, du Spa Scandinave et de Scenic Caves.