Au bout du monde
Virée nature en Gaspésie et dans le golfe du Saint-Laurent
Gaspésie vient de Gespeg, qui signifie en langue autochtone Mic Mac « le bout des terres », soit le bout du monde. La péninsule gaspésienne et l’ensemble du golfe du fleuve Saint-Laurent, rive Nord comprise, regorgent d’attraits touristiques naturels de toute beauté, entre mer et montagne. Mais un voyage dans ce « bout du monde » pourra aussi permettre au voyageur, qui sait, de tirer certains enseignements du passé, pour éclairer l’avenir de ce dit monde.
À l’image peut-être de la nouvelle Route de la morue gaspésienne, un circuit judicieusement créé l’an dernier pour regrouper différents attraits touristiques de la région sur ce thème. Mais le circuit mène le visiteur sur les traces d’un fantôme de nos jours, puisque les stocks de morue ne semblent pas remonter malgré l’interdiction de la pêcher en 1992, suite à la surexploitation de la ressource… Et la morue consommée sur place provient vraisemblablement de Nouvelle-Écosse.
Sans parler des fous de Bassan de l’île Bonaventure, à la pointe Est de la péninsule gaspésienne. L’île abrite l’été la plus grosse colonie au monde de cet élégant oiseau blanc immaculé, au cou d’un délicat jaune d’or pastel, où se détache un œil fardé de noir.
Mais ces oiseaux pourraient bien faire les frais de la marée noire du golfe du Mexique où ils hivernent. Autrement dit : la présente saison estivale risque fort d’être le meilleur moment d’aller admirer la colonie à son apogée actuelle, car le nombre d’oiseaux pourrait chuter considérablement dans les prochaines années, suite à la pollution par le pétrole.
Sans parler des bélugas du Saint-Laurent, atteintes de cancer pour certaines, en raison de la pollution.
Les fous de l’île
L’excursion d’une demi-journée pour observer les fous de Bassan dans le parc national (québécois) de l'Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé restera le haut point d’une récente virée nature de quelques jours autour du golfe du Saint Laurent.
Une fois débarqué (dans ce qui était un village entier centré sur l’exploitation de la morue), divers sentiers permettent de rejoindre l’extrémité Est de l’île, où nichent les oiseaux. Le spectacle est alors hypnotisant et il est facile de rester là, de longues minutes, voir des heures, à contempler la scène.
Plusieurs milliers d’oiseaux nichant au sol, à une trentaine de centimètres les uns des autres. Il est possible de s’approcher à quelques centimètres des nids les plus proches, à peine séparé d’une corde. Deux belvédères en bois permettent même de s’avancer au-dessus de certains oiseaux et d’admirer notamment leur ballet amoureux, lorsque le conjoint rentre de la pêche.
Mais l’avenir de la colonie est incertain. La relève des jeunes, qui ne migrent qu’après 3 ou 4 ans, est restée dans le Sud où continue la marée noire dans le Golfe du Mexique. Et les fous de Bassan présentement en Gaspésie redescendront passer l’hiver à proximité des nappes de pétrole et pour se nourrir de poissons contaminés par les hydrocarbures ou les produits chimiques dispersant…
Au retour à l’embarcadère, la visite guidée de l’ancienne maison du gérant du village de pêcheurs de l’Île est excellente et permet de comprendre l’organisation de la vie sociale et économique autour de la morue.
À terre, à Percé, le centre d’interprétation Le Chaffaud, très réussi, explique les différentes étapes de la transformation de la morue.
Le parc de l’Île Bonaventure est l’un cinq attraits touristiques de la Route de la morue, qui racontent chacun un volet différent de l’épopée de l’exploitation de la morue, aux côtés, entre autres, du Parc national (fédéral) de Forillon près de Gaspé et du site historique du banc de pêche de Paspébiac. Le circuit suit la route 132, qui forme une boucle de près de 900 Km autour de la péninsule de 30 000 km2. (En hiver, avis aux aventuriers, la traversée de la Gaspésie en ski de fond permet de rejoindre Rimouski à Gaspé, par étapes, pendant une semaine.)
Le jardin des glaciers
De l’autre côté du golfe du Saint Laurent, sur la rive Nord, un autre aspect de la même histoire, l’exploitation effrénée de ressources naturelles et le pénible retour de flamme, est superbement racontée au Jardin des glaciers de Baie Comeau.
Ouvert en 2009 et aménagé dans une ancienne église, ce centre d’interprétation du passé glaciaire emporte tout d’abord les visiteurs dans un formidable voyage multimédia dans le temps et au cœur des glaciers : casque audio sans-fil, projections de films sur écrans multiples, effets sonores et même fontaine d’eau réelle, ce spectacle réussit à utiliser la fine pointe de la technologie pour expliquer au grand public les évolutions du climat de la terre depuis des millions d’années. Pour ensuite poser la question : et si le climat continuait d’évoluer mais cette fois-ci, par la main de l’être humain ?
Suivent alors une série d’expositions sur les répercussions de la société de consommation sur l’environnement naturel et comment en réduire les conséquences négatives.
Mais le jardin des glaciers, ce sont aussi des activités en plein air. Pour exploiter tout d’abord une mine d’or géologique locale : des gisements de coquillages sur plusieurs mètres d’épaisseur, déposés lors de la fonte des glaciers (ces mêmes glaciers qui, un plus à l’Ouest, ont creusé l’élégant fjord du Saguenay).
Une promenade en véhicule électrique amène les visiteurs au cœur de l’une de ces montagnes de coquillages. Par la suite, des activités fortes en adrénaline proposent d’explorer d’autres traces de l’activité des glaciers dans les rochers, à flan de falaise (équipé d’un baudrier et retenu par un câble, voire même traverser suspendu à une tyrolienne une petite crique du Saint-Laurent.)
L’équipement touristique et la variété des activités (éducatives et pratiques) sont excellentes, mais le défi sera à présent de pouvoir attirer suffisamment de visiteurs aussi loin de Tadoussac (200 Km, soit 410 Km de Québec) pour garantir la pérennité financière. Le tout en s’assurant que le mode de transport de ces visiteurs ne contribue pas aux changements climatiques…
Festival de jardins éphémères à Métis
Presqu’en face de Baie Comeau, les Jardins de Métis (à l’Ouest de Matane, sur la rive Sud) proposent un autre regard sur la nature. D’une part, l’horticulture conventionnelle, soit la flore guidée par l’être humain en superbes jardins fleuris traditionnels. D’autre part, le paysagisme contemporain, dans un festival de jardins éphémères où le naturel est la palette du créateur. Pour sa 11e édition cette année, le festival propose 21 jardins contemporains, soit un chiffre record.
Deux des six jardins inédits cette année, (aux côtés des 14 autres retravaillés), confirment la vocation de l’événement : repousser les limites de la conception paysagée en encourageant les démarches multidisciplinaires. Imaginez une plate-bande de barbelés observée depuis le fond d’une tranchée creusée dans le sol, pour l’un (Land Use Observatory - Violence in the Garden). Des centaines de livres de classe enterrés dont la tranche dessine un tapis, ou empilés pour former des bancs et des cloisons entières, pour l’autre (Jardin de la connaissance).
Ce festival vient en contrepoint aux jardins plus conventionnels, plantés par Élise Reford à partir de 1926, sur les berges du golfe du Saint Laurent dominant le fleuve. Parmi la quinzaine de jardins traditionnels, Métis est célèbre pour son jardin de pavots bleus (originaire de l’Himalaya).
Au cœur de la propriété trône la Villa Esteban, ancienne demeure du riche industriel George Stephen qui créa le domaine à la fin du XIXe siècle pour venir pêcher, qui lèguera ensuite son domaine à sa nièce Élise. La Villa abrite un musée sur l’histoire de la demeure ainsi qu’un restaurant de haute gastronomie. Et en prime cette année, un film documentaire sur cette dualité des jardins de Métis, classique et contemporain (Il était deux fois un jardin, récompensé au Festival International du Film sur l'Art de Montréal en mars dernier.)
Reportage réalisé avec la collaboration de Québec Maritime et de Tourisme Québec.
L'Ile Bonaventure et le rocher Percé à l’arrière-plan (Photo: Charles-Antoine Rouyer)
24 juillet 2010
Diaporama
Phare de La Martre
Diaporama / vidéos ci-dessous
En route vers l'Ile Bonaventure
La colonie des fous de Bassan à l'Ile Bonaventure
Pêle-mêle
. À Sainte-Anne-des-Monts, le musée de la mer Exploramer propose une initiation à la vie marine dans le golfe du Saint-Laurent à renfort de nombreux aquariums (surtout pour les familles) ainsi qu’avec des excursions en mer.
. Près de Matane, la réserve faunique de Matane permet de se mettre au vert dans de charmants chalets, rustiques mais confortable ou en camping. Le parc propose des activités d’observation de la nature (à pied ou en kayak). Le trajet vers certains lacs en altitude offrent des vues à vous couper le souffle et permettent de réaliser qu’effectivement la chaîne montagneuse des Appalaches se termine en Gaspésie.
. À La Martre, un arrêt obligé sur la route 132 au Musée des phares, pour visiter le phare rouge en bois datant de 1906 et encore équipé d’un système d’horlogerie mécanique en fonctionnement ; pour parcourir l’exposition d’innombrables lentilles optiques grandeur nature ; enfin, pour son propriétaire et guide, passionné et passionnant, Yves Foucreault, « l'ange gardien du phare » (10, avenue du Phare, 418 288-5698)
. À Gaspé, de récents panneaux d’information historique permettent de découvrir le patrimoine de ce ravissant petit village, qui semble retrouver un certain dynamisme après le choc du moratoire sur la pêche à la morue. À retenir le restaurant-bistro-concerts le Brise bise ou le lieu de spectacle « La petite Églize » (dans une église reconvertie). À ne pas manquer l’excellente table de l’Auberge La Maison William Wakeham.
. À Percé, à recommander l’Hôtel-Motel Le Mirage pour le point de vue imprenable sur le rocher et la qualité de l’accueil. Le restaurant la Maison du Pêcheur permet de déguster les spécialités de fruits de mer locales ; ne pas rater à l’étage des « graffitis » d’indépendantistes du FLQ, lors d’un séjour prolongé en 1969, dans ce qui était alors qu’une vulgaire baraque sur le port. Croisières Julien Cloutier, 9 rue du Quai, 418 782-5606
. Tadoussac et le Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent demeure « Le » lieu des sorties en mer pour aller voir les baleines grâce à la confluence des courants marins (descendant du Saint-Laurent, descendant du fjord du Saguenay, montant de l’océan dans le golf) qui concentre le plancton, la principale nourriture des cétacés. Le Centre d’interprétation des mammifères marins est une figure imposée avant de partir en mer, pour tout savoir sur les différentes espèces de baleines visibles dans le golfe ; sans parler de l’écologie du golfe et la pollution (industrielle, agricole, notamment les pesticides, sonore) qui menacent les cétacés, notamment les Bélugas, les seules à vivrent en permanence dans le golfe du Saint-Laurent. Leur site Internet Baleines en direct regorge d’information scientifique sur le sujet. Pour les croisières en zodiak : Croisières AML.